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Palo Alto - Paul Watzlawick
Axiome 4
Pour convaincre, parlez imagé!
"Les êtres humains
usent de deux modes de communication: digital et analogique.
Le langage digital possède une syntaxe logique
très complexe et très commode, mais
manque d'une sémantique appropriée à
la relation. Par contre, le langage analogique possède
bien la sémantique, mais non la syntaxe appropriée
à une définition non-équivoque
de la nature des relations (Axiome n°4 de Paul
Watzlawick).”
Chacune des deux hémisphères cérébrales
est hautement spécialisée. Paul WATZLAWICK
le rappelle à travers de nombreuses preuves
expérimentales.
"L'hémisphère gauche a pour fonction
primordiale (11) de traduire toute perception en représentations
logiques, sémantiques et phonétiques
de la réalité, et de communiquer avec
l'extérieur sur la base de ce codage logici-analytique
du monde environnant. Sa compétence s'exerce
par conséquent sur tout le domaine du langage
(grammaire, syntaxe et sémantique) de la pensée
et donc aussi de la lecture, de l'écriture,
de l'arithmétique et du calcul". C'est
le langage du contenu, c'est à dire, le domaine
de la communication digitale. Cet hémisphère
gauche est en mesure de traiter les argumentations
logiques.
"L'hémisphère
droit remplit une fonction très différente.
Il est hautement spécialisé dans la
perception globale des relations, des modèles,
des configurations et des structures complexes".
C'est le langage de la relation, c'est à dire,
le domaine de la communication analogique.
Or, c’est là que se forme notre représentation
de la réalité et cela a bien évidemment
des conséquences.
L’importance de la relation
Cet axiome souligne à nouveau l’importance
de la relation. Nous n’y reviendrons pas d’avantage;
c’était le principal enseignement du premier
axiome examiné précédemment.
Le pouvoir de conviction de la démonstration
logique est faible.
C’est le second enseignement de cet axiome, une démonstration
logique n’est pas forcément la meilleure méthode
pour se faire comprendre. On se tournera avec profit
vers d’autres moyens d’expression.
Quelques moyens plus efficaces:
- Les images:
Au sens propre, il ne fait pas de doute qu’un bon
schéma est souvent plus éloquent qu’un
long discours. Mais le pouvoir de l’image est connu
et il suffit de se reporter à l’iconographie
religieuse pour soupçonner une redoutable
et profonde efficacité. Au sens figuré,
on se souvient que la navigation a fourni de nombreuses
images (notamment au President Giscard d’Estaing),
mais il est sans doute possible de renouveler le
genre.
- Raconter comme une histoire
et personnaliser: Il y a toujours plusieurs
façons de dire les choses. Ainsi, un élu
peut annoncer: “le chômage a baissé
de 0,2% le mois dernier”. Ou alors: “L’autre jour,
en visitant le chantier de la nouvelle crèche,
j’ai eu le plaisir de rencontrer M. Dupont. Je le
connaissais bien, il était au chômage
depuis que sa femme l’avait quitté, il y
a deux ans. C’était un homme toujours triste.
Là je ne vous raconte pas sa fierté
lorsque nous nous sommes salué. Il venait
de retrouver un emploi grace à la mesure
d’aide à l’emploi que nous commençons
à mettre en place. Même s’il ne devait
y avoir que son seul sourire, je me dirais déja
que nous avons réussi.” Evidemment attention
à la démagogie mais quelques outils
de réthorique peuvent aider!
- L’humour, les jeux de
mots, les bons mots: “Le Conseil des
sinistres” (Boris VIAN). “Les milichiants” à
propos des militants miliciens de Cuba (Zoé
VALDES). “Face à la vague de pornographie,
la police reste impuissante” (12). “L’aide aux pays
sous-développés consiste à
prendre de l’argent aux pauvres des pays riches
pour le donner aux riches des pays pauvres” (13).
Mais la formule de Ciceron reste valable “Les railleries
doivent avoir le mordant du mouton, non du chien”.
- Utiliser des symboles:
La pomme (pour J. Chirac aux Présidentielles
de 95), L’olivier (pour Michel Vauzelle aux Régionales
en Paca).
- Les rituels:
La commémoration de l’appel du 18 Juin, par
les gaullistes. L’Ascension de la Roche de Solutré,
le lundi de Pentecôte par François
MITTERRAND.
- Les formules:
“La force tranquille.” “LE PEN ne devrait pas dire,
les français d’abord, mais plutôt ma
famille d’abord (Guy KONOPNIKI)”.
- Les citations:
Pour un discours écologiste: “C’est une
triste chose de penser que la nature parle et que
le genre humain n’écoute pas” (Victor Hugo
- Carnets). Sur un concurrent: “La vérité
d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache” (André
MALRAUX, Antimémoires).
- Le recadrage:
Attaqué après la baisse de 0,5%
du taux de rémunération du livret
A des Caisses d’Epargne (alors que les profits boursiers
n’ont jamais été aussi considérables),
Dominique STRAUSS-KAHN a préféré
recadrer les choses en annonçant que c’était
une mesure qui allait permettre de construire 2000
logements sociaux supplémentaires. Il présentait
les choses sous un nouvel angle.
- Les ressources de la
réthorique: Sur cette question,
on se tournera vers la page qu’y consacre Lionel
BELLANGER dans son ouvrage intitulé “La persuasion”(14).
“Les orateurs politiques restent de fidèles
usagers des tours conseillés par
toute la littérature traitant de
l’éloquence depuis Aristote, Cicéron
et Quintilien et repris plus tard par Saint
Augustin.
Même si ces moyens paraissent désuets,
voire vieillots, ils continuent à
faire partie du bagage du faiseur
de discours: ils cherchent à émouvoir
avant tout, fidèles à l’essence
même de la réthorique: être
l’instrument de l’opinion. Voici quelques
exemples de moyens glanés au cours
de la campagne des présidentielles
françaises en 1981:
- pratiquer la tautologie (je sais, je
crois, je sens...);
- pratiquer la métonymie en faisant
parler les faits eux-mêmes (la crise
nous a obligés à prendre des
mesures désagréables);
- rejeter des maladresses comme pour les
exorciser de son propre discours (je ne
ferai pas de démagogie...);
- se livrer à l’inflation des valeurs
(justice, liberté, croissance, prospérité...);
- utiliser des maximes (tout n’est pas possible);
- fabriquer des métaphores (nous
avons construit les fondations, nous allons
ensemble bâtir la maison);
- se placer au milieu de ses interlocuteurs
(nous tous, nous pouvons...);
- créer des slogans, des refrains
(une société plus juste, plus
humaine, plus libre; la force tranquille...);
- pratiquer la contre-objection (certes,
on me reprochera de...);
- énoncer des lieux communs (ce qui
compte c’est l’essentiel);
- lancer des séries anaphoriques
(ceux qui... ceux qui... ceux qui...);
- redoubler les termes (la crise et quelle
crise...);
- établir des constats afin de créer
des assertions se voulant indéniables
(il s’agit de... il est vrai... il faut
dire...);
- faire référence à
ce qui a été dit;
- répéter les mots pour faire
croire à leur signification (je suis
un homme d’Etat);
- provoquer le contradicteur éventuel
(je voudrais réfléchir avec
vous...);
- créer le mouvement en jouant du
style antithétique (hier/demain,
choisir/renoncer, vouloir/pouvoir, dire/faire);
- préférer la consécutivité
à la causalité (utiliser c’est
pourquoi au lieu de parce que);
- exprimer le définitif (désormais,
sans jamais...) et l’absolu (jusqu’au
bout, totalement);
- apostropher l’auditoire (vous, chers concitoyens,
chers françaises et français,
qui...).
Attention cependant à l’ambiguïté
des images.
En effet, ce quatrième axiome est aussi une
mise en garde contre l’ambiguité de l’image.
Un message peut ainsi être compris de manière
totalement contraire à ce qu’espérait
son auteur parce qu’un symbole peut avoir un sens
différent suivant les personnes.
Ainsi, une lettre refusant un emploi à un
électeur et où figurerait un logo futuriste
avec un slogan type "ville dynamique" apparaitrait
comme une marque supplémentaire d'exclusion
et serait probablement ressentie comme une violente
provocation par son destinataire.
De même, de luxueuses affiches 4m x 3m porteuses
de rêve ne peuvent plus être favorablement
accueillies dans un pays où la crise incite
à la morosité et où les politiques
appellent à l'effort.
On aura donc tout intérêt
à mettre en place des outils permettant de
limiter les erreurs.
Par exemple:
- Des procédures de “tests” avant diffusion
des messages. On interrogera une dizaine de personnes
afin de savoir quelle est leur compréhension
du message projeté.
- Des procédures d’évaluation, après
diffusion et avec régularité pour
vérifier que les opinions émises confirment
l’image qu’on essaie d’installer. On se reportera
avec intérêt au panel d’évaluation
mis en place par André HARTEREAU (15) concernant
l’implantation locale de Marilyse LE BRANCHU, devenue
ministre de la justice dans le gouvernement de Lionel
Jospin (2000).
Alain Duhamel, nous indique dans sa chronique hebdomadaire
de LIBERATION (16) que c’était aussi une technique
très prisée par Jacques PILHAN.
“Publicitaire d'origine, frotté de psychanalyse
et bourgeoisement venu au gauchisme, il avait compris
avant les autres qu'en politique le temps est roi,
qu'en république présidentielle l'image
du chef de l'Etat constitue un capital fragile qui
a besoin de gestionnaires avisés et que la
connaissance de l'opinion ne se réduit pas
aux sondages, aux courbes et aux chiffres. Il avait
donc systématiquement privilégié
dans ses approches la durée et le qualitatif.
Il auscultait régulièrement de petits
groupes par entretiens approfondis avec des minuties
de jardinier japonais”.
11- Paul WATZLAWICK, “Le Langage du changement”,
collection Points, Editions du Seuil 1980,
page 30.
12 - idem, page 84.
13 - idem, page 82.
14 - Presses Universitaires de France, Qsj
2238, édition 1989, page 22.
15 - André HARTEREAU est Responsable
pédagogique national pour la communication
au CNFPT.
16 - Chronique publiée le 3 juillet
1998 après la mort de celui qui fut
Conseiller en communication à l’Elysée
de François Mitterrand puis de Jacques
Chirac.
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