Dynamique des groupes
le "leader"
Lorsqu'on
aborde la question des groupes, on constate très vite qu'il n'y a pas
de groupe sans leader. C'est pourquoi, beaucoup de recherches ont porté
sur ce sujet, essentiellement aux Etats-Unis.
De quoi parle t-on? Le terme français de "chef" a une connotation
autoritaire trop forte il ne recouvre donc pas exactement la traduction
du mot "leader". Le mot américain a une signification plus large, et
intègre la notion "d'animateur". C'est pourquoi les traducteurs
français ont préféré garder le terme "leader". Il n'est d'ailleurs pas
forcément utile de retenir une définition plus précise puisque les
chercheurs n'ont pas réussi à s'accorder sur le choix d'une formule
malgré la centaine qui a été proposée.
Les travaux ont surtout abordé trois questions:
Quelle est l'origine de l'autorité du leader ?
A quoi sert le leader, qu'est ce qu'il fait ?
Quelles sont les différentes manières d'exercer la fonction de leader ?
L'origine de l'autorité du leader
Dans un groupe institutionnel, la fonction de leader
est déterminée par des règles
de caractère juridique. Mais cela ne suffit
pas. Encore faut-il que s'ajoute un caractère
d'efficacité, d'influence effective. C'est
pourquoi, la plupart des auteurs définissent
la fonction de leader sur la base de son acceptation
par les autres.
Ainsi, par exemple, pouvait-il exister un décallage
dans la famille entre le pouvoir juridique du "chef
de famille" attribué au père par le
Code Napoléon et l'autorité réelle,
souvent exercée par la mère. Le législateur
n'a fait qu'entériner la réalité,
mais très tardivement, en votant la loi sur
l'autorité parentale qui attribue conjointement
aux parents le pouvoir de décision concernant
les enfants.
Cet exemple illustre deux caractères importants
issus de la recherche:
l'émergence constante dans les groupes
d'un leader.
le rôle de leader n'est pas forcément
lié à un statut officiel dans le
groupe; pour que le leader exerce son rôle
efficacement, il doit aussi être accepté.
Le troisième caractère à relever
concerne la personnalité du leader. La capacité
à être leader relève-t-elle d'un
trait de caractère personnel ou met-elle en
jeu d'autres facteurs ? cette question a fait
l'objet de nombreux travaux et on entre là
dans le domaine de la psychologie individuelle et
donc de la complexité. C'est pourquoi nous
nous limiterons à quelques remarques.
Il apparaît bien dans la vie courante que certains
individus se retrouvent plus facilement que d'autres
en situation de leader. C'est une banalité
de le relever. Mais cette facilité n'est pas
universelle. tel qui se retrouve leader dans un groupe
de discussion politique, jouera un tout autre rôle
dans une réunion scientifique. C'est qu'outre
les caractères psychologiques du leader, interviennent
les problèmes de compétences. Mais d'autres
phénomènes interfèrent également.
Tel qui était leader dans un parti hier, apparaît
aujourd'hui archaïque et supplanté par
un autre leader. Ainsi, par exemple, en Grande Bretagne,
Margaret TATCHER avait dû s'effacer devant John
MAJOR. La "dame de fer" correspondait à ce
que voulaient les Britanniques au début des
années 80. Dix ans après, elle est restée
elle-même alors que le pays changeait.
En pareil cas, le leader a le sentiment de n'avoir
pas démérité et d'être
resté fidèle à lui même,
ce qui est vrai ! Il vivra donc son rejet comme
une terrible injustice. En effet, tel leader, perçu
comme parfaitement capable d'affronter une situation
particulière à un moment donné
n'aura plus forcément la même capacité
à faire face à une situation nouvelle.
Le leader doit pouvoir changer, sinon il sera évincé
au profit d'un nouveau leader qui semblera plus efficace.
En ce sens, "l'adaptabilité" prend une grande
importance et une définition parmi les
plus pertinentes pourrait être celle que cite
jean MAISONNEUVE (4) "Le
leader, c'est l'homme de la situation".
A un moment donné, le leader est remplacé
par celui qui était auparavant perçu
comme "déviant". C'est le sujet abordé
précédemment lorsque nous avons abordé
les conduites déviantes (Le groupe produit
du conformisme et de l'intolérance - Le problème
de la cohésion - II Comment se manifeste la
cohésion dans les groupes? - 2 - Les conduites
déviantes).
Les fonctions du leader.
Elles concernent d'abord la
réalisation matérielle des objectifs
du groupe. Il s'agit là de préciser
l'objectif à atteindre, d'organiser le travail
et d'assurer la coordination. le leader a également
la charge d'opérations concernant les prises
de décision. Dans l'optique de l'autoritarisme
traditionnel, on estime qu'il appartient au leader
de décider seul et que c'est là l'essence
même de son rôle. mais il n'en est rien
et il s'agit seulement d'un type particulier de leadership
parmi bien d'autres. En réalité, le
phénomène de prise de décision
implique aussi bien des aspects "affectifs" puisqu'il
implique l'accord tacite ou express de l'ensemble
des participants.
C'est le second volet des missions que doit assumer
le leader. En efet, le maintien
d'une activité efficace ne dépend pas
seulement de facteurs techniques et méthodologiques,
mais aussi du climat psychologique qui règne
dans le groupe, de son "moral";
et celui-ci dépend lui-même du
degré de motivation et d'intérêt
pour la tâche, ainsi que des relations qui se
tissent entre les différents membres, chef
hiérarchique compris. Cet aspect "affectif"
de la fonction comporte un certain nombre de missions
consciemment effectuées dans le but de faciliter
et d'optimiser le travail de groupe. Ce sont celles
qui vont être énumérées
ci-après. Mais il existe dans le groupe d'autres
phénomènes, à caractère
inconscient, qui vont constituer sa "fantasmatique";
on se reportera pour cette question avec le plus grand
profit aux travaux du psychanalyste Didier ANZIEU
(3).
L'intervention du leader concernant "l'affectif du
groupe peut s'effectuer dans trois directions:
La stimulation et et le soutien du groupe.
La facilitation sociale.
L'élucidation des phénomènes.
Mais il est clair que suivant les groupes, ces processus
sont plus ou moins accentués et bien entendu,
certains sont parfois inexistants.
1 - Les interventions du
leader visant à la stimulation et au soutien
du groupe.
Elles sont dominantes dans les groupes formels où
la hiérarchie est plus ou moins autoritaire
et partout où le leader joue le rôle
de figure centrale et cherche à renforcer l'identification
du groupe à sa propre personne; cela comprend:
L'incitation des membres
à participer au maximum à la tâche
en faisant jouer un système explicite ou
latent de gratification et de sanctions (avantages
immédiats, promesses, éloges, menaces
ou blâmes).
La sécurisation,
dans les cas où se développent des
anxiétés ou des tensions individuelles
ou collectives.
2 - Les interventions du
leader visant à la facilitation sociale.
Il s'agit de renforcer les
processus de communication entre les participants,
notamment par la recherche d'un langage commun, par
l'expression des soucis, des désirs, des points
de vue concernant l'activité du groupe.
3 - Eventuellement, les
interventions du leader visant à l'élucidation
des processus de groupe.
En fait, ce rôle n'est qu'exceptionnellement,
ou épisodiquement assumé dans les groupes
naturels, et pas forcément par le leader, mais
parfois par un sujet enclin à l'observation
ou encore par un "bouffon".
Cependant, aucun leadership
ne peut s'établir sans un minimum de "lucidité"
permettant notamment:
d'apprécier l'évolution des niveaux
de satisfaction individuelle et collective;
en cas de conflit ou d'anxiété,
d'en repérer les sources et d'en faciliter
les issues.
Les types de leadership
Il n'existe pas de typologie unique des leaders.
André LEVY (2) en cite trois: celle de Max
WEBER, celle de FRENCH et celle de Fritz REDLE. Leur
multiplicité doit donc inciter à la
prudence. Mais les typologies n'ont pas d'autre ambition
que de faciliter la compréhension des mécanismes
à l'oeuvre dans les groupes en permettant de
comparer la réalité aux modèles
proposés.
Jean MAISONNEUVE (4), dans un effort de synthèse
de ces différents travaux, propose une classification
en cinq catégories que nous détaillerons
ci-dessous. Mais auparavant, il n'est pas possible
de passer sous silence la désormais traditionnelle
typologie de WEBER et ses trois grands types de leader:
La typologie de WEBER
Le chef charismatique,
considéré comme infaillible et quasi
sacré, qui s'entoure lui-même
d'un mystère distanciateur.
Le chef traditionnel,
à la fois autoritaire et protecteur.
Le chef démocratique,
dont l'autorité s'établit sur des
bases consultatives et rationnelles.
La typologie de Jean MAISONNEUVE
D'abord trois types majeurs:
"Le type autoritaire,
visant à influencer autrui directement
et par pression externe; ce genre contient d'ailleurs
deux espèces: - le chef autocratique, s'imposant
par intimidation ou sanction sans se préoccuper
des réactions d'autrui; - le chef paternaliste,
aux visées plus complexes, car il veut
à la fois être obéi, respecté
et même aimé.
Le type coopératif,
consistant à associer autrui sinon aux
prises de décision, du moins à leur
préparation et à leurs applications.
Ici la distance entre le leader et les autres
est donc beaucoup moins forte. Mais de même
que le degré de coercition varie dans le
mode autoritaire, le degré de "permissivité"
peut varier dans le mode coopératif.
Le type manoeuvrier,
consistant à influencer autrui indirectement
et si possible à son insu. Cette attitude
succède assez souvent aux échecs
préalables du style autoritaire.
En marge de ces trois types majeurs, il convient
de citer:
Le type élucidateur,
visant à mettre le groupe en situation
de décider collectivement après
une prise de conscience de ses problèmes
et processus. Cette attitude n'est pas à
proprement parler un leadership; elle exerce une
sorte d'influence catalytique en facilitant la
mise en oeuvre des ressources internes du groupe.
(...)
Le type laisser-faire,
qui constitue une sorte de démission d'autorité
par un chef pourvu d'un statut nominal et qui
se désintéresse de l'activité
du groupe ou se laisse déborder par lui."
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