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Ethique:

La tentation

de la manipulation

 











Les gouvernants ne sont pas toujours de parfaits démocrates!

Les techniques de communications ont donc parfois une fâcheuse tendance à voisiner avec celles de manipulation.

Le gouvernement nazi en a fait un usage d'une horreur sans précédent.
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Mais
des dérives plus anodines sont elles pour autant acceptables? A chacun de se faire une idée à partir des exemples ci-dessous, même si les erreurs de certains fonctionnaires européens n'ont évidemment rien à voir avec la machine hitlérienne.





Les mysteres de l'offre (1)

Tous les élus n'ont pas la même stratégie de communication et d'évidence personne ne détient la recette infaillible. Mais il y a plusieurs approches possibles, même si elles sont souvent imbriquées dans la réalité.

Ainsi, Henri de BODINAT (1) rappelle les trois grandes stratégies du Marketing.

1 La stratégie de domination a pour but de "s'affranchir autant que possible de la nécessité de fournir au marché une offre pertinente à un prix acceptable. Le moyen est de supprimer la liberté de choix du client" par la voie politique, juridique, économique. L'objectif est de maintenir le développement de la domination, d'extraire du client un revenu maximum et d'obliger le client à être fidèle.

2 La stratégie de séduction, plus difficile à mettre en oeuvre, plus exigeante, "consiste à créer dans l'esprit du client une illusion de valeur qui va le pousser à acheter un produit ou un service". Elle utilise la distorsion, le clinquant, la pression. La stratégie de séduction "se concentre sur la vente et néglige le client une fois la vente réalisée".

Evidemment, les stratégie de domination et de séduction s'accompagnent de risques.

3 La stratégie de valeur consiste à "redéfinir le produit" et à ne communiquer "sur une promesse que lorsque le produit est 'à la hauteur' ". "l'entreprise en stratégie de valeur respecte la liberté et pratique la transparence", son enjeu est de "délivrer le plus de valeur possible au moindre coût", en particulier en rognant "sur des postes n'ayant pas d'impact sur la valeur"

Si l'on veut bien transposer ces catégories dans le domaine du marketing politique, on ne peut pas nier que les stratégies de domination et de séduction connaissent un certain succès.

Elles posent cependant un certain nombre de problèmes éthiques.

De plus, selon BODINAT, les organisations les mieux équipées pour survivre et se développer sont centrées sur la valeur.


(1) " Les mysteres de l'offre " (mars 2007 - Editions Village Mondial). Henri de BODINAT est vice-président d'Arthur D. Little et professeur de stratégie au groupe HEC. Co-fondateur d'Actuel, de Radio Nova et du label Cantos, il a été PDG de Sony Music, vice-président de Sony Entertainment Europe, et directeur général du Club Med. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Un pavé dans le marketing publié chez Lattés. Il est HEC et Docteur en Business Administration de la Harvard Business School.

De l'art de communiquer

Chronique de Guy GEORGES
publiée dans le journal LE MONDE daté du 29 janvier 1999
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Des journalistes ?  Amis ou ennemis ? De fond ou d'investigation ?  C'est une note confidentielle extraordinaire qu'a publiée le quotidien belge Le Soir, dans son édition datée du du jeudi 28 janvier (1999). Un monument sur l'art communicatif de faire le nécessaire tri entre le bon grain et l'ivraie, entre l'élite et la lie de l'humanité journalistique.

Ce document émane du service du porte-parole (SPP) de la Commission européenne à Bruxelles, service dirigé par Martine Reicherts et qui regroupe précisément les vingt porte-parole des vingt commissaires européens. Au cour d'un intense remue-méninges destiné à repenser la politique de communication d'une Commission secouée d'abondance par les récentes et présumées affaires de fraude, diverses opinions et stratégies se sont exprimées. Dont celle-ci, anonyme mais authentique, résumée sous forme de note interne et qu'on se fait un devoir de citer ici, tant elle vaut son pesant de cacahuètes.

"Il n'est pas exact," attaque bravement l'auteur, de dire que les journalistes ont changé en profondeur. Il existe certes une "prise en mains" de la salle de presse par des journalistes d'investigation. Mais il est faux de dire que nous n'avons plus d'amis. Au contraire: beaucoup de journalistes avouent leur perplexité devant ce qui arrive; beaucoup désapprouvent - parfois ouvertement - l'outrance de leurs collègues. [...]".

Deuxième point donc, la stratégie: " C'est la raison pour laquelle, au lieu de développer une stratégie de méfiance généralisée face à la presse, nous devons utiliser nos alliés potentiels pour rétablir un équilibre entre journalistes de fond et d'investigation. Cette tactique a bien joué à Strasbourg, au niveau des commissaires et parlementaires et journalistes [...]. Il faut, je pense impliquer - et responsabiliser - l'API [Association professionnelle de la presse internationale] dans cette évolution. Expliquer que des dérives ont eu lieu. [...] Lister des exemples de désinformation manifeste (il y en a beaucoup!). Faire prendre conscience qu'ils n'ont rien à gagner de cette ambiance de corrida [...],"

Troisième point, la "tagadatactique" de la communication: "Il faut réfléchir sur la notion de "transparence": ne pas être obnubilé par cette notion, ne pas chercher à être "plus catholique que le pape". Une dose de cynisme - et parfois d'hypocrisie - dans la manière de diffuser l'information est parfois nécessaire. Vouloir tout expliquer et s'ériger en modèle d'exhaustivité appelle souvent de nouvelles interrogations. La surinformation confine parfois à la désinformation."

D'où quatrième point, la rétorsion, morceau de bravoure: "Il faut donc apprendre à geler une partie de l'information dont on n'est pas tout à fait sûr, ou dont on sait qu'elle pourrait donner lieu à une mauvaise interprétation. Face à certains journalistes, particulièrement retors, il faut malheureusement se résigner à se faire (provisoirement) violence."

Ainsi remue-méningea le service communication !  Un pur bonheur !  Sauf évidemment pour les journalistes de l'API - amis comme ennemis, la bande à "fond" comme le gang à "investigation" - qui, d'une seule voix, ont adressé une lettre de protestation au président de la Commission.

. The Fine Art of Propaganda

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Ce livre paraît aux États-Unis en 1939. Pour faire face à la propagande de C.E. Coughlin, les américains choisissent de dénoncer les stratagèmes employés.
En effet, l'administration démocrate était à ce moment là la cible du "Coughlinisme", du nom d'un prêtre catholique antisémite, mais aussi anti-bolchévique et anti-capitaliste. Dans ses "causeries" radiophoniques, il obtient très vite une forte audience et s'attaque de plus en plus violemment au président Roosevelt.
Le livre, the Fine Art of Propaganda", identifie les 7 procédés de la propagande utilisés non seulement par le prêtre mais plus généralement dans toutes les grandes manipulations de propagande de l'époque et malheureusement même jusqu'à nos jours.

  • L'épithète insultante (appel à la peur et à la haine en étiquetant et en caricaturant);
  • La généralisation attirante (appel à une identification gratifiante en faisant référence à l'amour, la générosité et la fraternité);
  • Le transfert (faire cautionner quelque chose par une valeur ayant du prestige);
  • La recommandation (faire cautionner quelque chose par une personne de notoriété);
  • Le "bien d'chez nous" (apparaître le plus naturel et le plus familier possible);
  • La carte biseautée (recours aux mensonges, faux témoignages...);
  • Le "volons au secours de la victoire" (entretenir le climat du "faites comme tout le monde").

MEIN KAMPF

Adolphe Hitler


La page ci-dessous est extraite de l'ouvrage de Jean-Jacques CHEVALLIER "Les grandes oeuvres politiques, de Machiavel à nos jours" (Armand Colin - collection U - 1974).

Propagande. - La question de la propagande avait toujours passionné HITLER. L'habileté consommée des marxistes de Vienne l'avait beaucoup frappé. LENINE, d'ailleurs, dans ses divers écrits et discours n'a-t-il pas mis parfaitement au point la propagande à l'égard des masses ? Mais la propagande de guerre anglaise, de 1914 à 1918, si méthodique, si sûre psychologiquement, par comparaison avec la propagande allemande - enfantine et maladroite, à en croire HITLER - fut pour celui-ci une révélation. la propagande politique de style fasciste lui apporte certainement des suggestions supplémentaires. Toujours est-il que les pages de Mein Kampf consacrées dans le premier volume, à propos de la guerre de 1914, puis de la conquête des masses par le Parti nazi, à la propagande en général, sont parmi les plus connues du livre; et l'auteur, de l'aveu même de tel de ses ennemis mortels, les aurait tirées vraiment de son propre fond. Trouvons-les ici résumées:

D'abord la propagande d'un peuple qui lutte pour son existence ne doit s'embarrasser d'aucune considération d'humanité ni de bonne foi intellectuelle. Si la première question touchant la propagande est celle de savoir si elle est "un moyen ou un but", la réponse n'est pas douteuse: nous sommes en présence d'un moyen, qui doit être jugé en fonction du but. Si ce but est le combat pour l'existence, "les armes les plus cruelles" deviennent "les plus humaines", car elles sont la condition d'une victoire plus rapide, et elles aident à assurer à la nation "la dignité de la liberté". Le respect de la vérité ? "Le levier le plus puissant des révolutions a été de tout temps un fanatisme qui fouette l'âme de la foule et la pousse en avant, fût-ce avec une violence hystérique, non la connaissance objective de vérités scientifiques".

A qui - seconde question - doit s'adresser la propagande ? Aux masses, on le sait: à "l'homme-masse", à "l'homme-foule", pour forger en sa conscience obscure des convictions inébranlables - non pas à "l'homme-individu". Donc toute propagande doit être populaire et adapter ses arguments aux plus simples de ceux qui composent le public. Plus elle touchera un grand nombre d'individus, plus devra être bas son niveau intellectuel. Ce qu'elle recherche est l'efficacité, non la satisfaction d'une poignée d'esthètes ou d'érudits. Aussi ne s'adresse-t-elle pas au cerveau qu'aux sentiments de la foule. Ces sentiments sont simples: elle est pour ou elle est contre; toute solution moyenne lui échappe; l'objectivité, l'impartialité sont à ses yeux faiblesse. Les clés qui ouvrent les portes de son coeur sont "la volonté et la force". La grande masse, comme la nature dont elle n'est qu'un "fragment" veut la victoire du plus fort et la défaite du plus faible, ou du moins "sa soumission absolue".

Quel doit être - dernière question - le contenu de la propagande ? Franchement unilatéral et sans diversité aucune. Il est vain de prétendre toucher des milieux différents; c'est risquer d'être incompris de tous; n'est efficace que la propagande qui s'exerce "dans une direction unique". La force d'expansion du marxisme reposait surtout sur "l'unité et par suite la manière d'être uniforme du public auquel elle s'adressait". Si la propagande nazie a réussi, c'est qu'elle s'est concentrée sur la clientèle même du marxisme, sur les "antinationaux". Si elle a choisi la couleur rouge pour ses affiches, pour le fond du drapeau, pour ses draperies, c'est à dessein: le rouge est la couleur même de l'ennemi, et de plus a des effets sensoriels considérables sur les foules et sur les femmes. Epouvante des bourgeois, panique "de ces stupides bourgeois en peau de lapin" quand ils virent ces "nationaux" qui déjà s'intitulaient "socialistes", adopter le rouge des bolcheviks ! Voilà de la propagande centrée comme il fallait!

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Le Prince


de Nicolas MACHIAVEL

Le prince Laurent de Médicis, à qui l'ouvrage était destiné n'y a prêté aucune attention. Rousseau par contre y a vu une intention secrète. Il écrit dans le Contrat social: "en feignant de donner des leçons aux rois, Machivel en a donné de grandes aux peuples" et son livre "est le livre des républicains". Mais cette explication est fausse nous dit le professeur Jean-Jacques CHEVALLIER (Les grandes oeuvres politiques, de Machiavel à nos jours).

D'autres ne s'y sont pas trompés. NAPOLEON III, MUSSOLINI et STALINE ont longuement consulté l'ouvrage. On aurait pu croire que le machiavélisme avait subi de sérieux revers en cette fin de siècle, or si l'on feuillette ses pages, on voit bien qu'il a laissé bien des traces.

La page ci-dessous est extraite de l'ouvrage de Jean-Jacques CHEVALLIER "Les grandes oeuvres politiques, de Machiavel à nos jours" (Armand Colin - collection U - 1974).  

...Il serait bon pour un  prince d' être réputé libéral, généreux ; cependant être parcimonieux est un de ces vices qui font régner. Les libéralités aboutissen à gagner au prince bien peu d'individus, et à en dresser contre lui un très grand nombre, à le rendre odieux à ses sujets : et finalement, appauvri, il perd leur considération. De même "tout prince doit désirer d'être réputé clément et non cruel" ; mais qu'on prenne garde d'user de clémence mal à propos ; qu'on se souvienne de César Borgia, il " passait pour cruel " (dit, sans sourciller, Machiavel), "mais sa cruauté rétablit l' ordre et l'union en Romagne". Cruauté bénie, si elle tue dans l' oeuf les désordres, gros de meurtres et de rapines, que trop de pitié eût laissé s'élever ! "Ces désordres blessent la société tout entière, tandis que les rigueurs ordonnées par le prince ne tombent que sur des particuliers " : protéger d' abord la société, voilà où git la vraie clémence d'Etat (Richelieu pensera de même et l'écrira dans le Testament.)

De là naît cette question classique : s' il vaut mieux être aimé que craint ou craint qu' aimé ?

Le meilleur serait d'être l'un et l'autre, mais c'est difficile. Alors il est plus sûr  d' être craint. Pourquoi ? Il y a plusieurs raisons à cela. D' abord les hommes généralement "sont ingrats, inconstants, dissimulés, tremblants devant les dangers et avides de gains ; tant que vous leur faites du bien, ils sont à vous ; ils vous oflrent leur sang, leurs biens, leur vie, leurs enfants, tant que le péril ne s' offre que dans l'éloignement, mais lorsqu'il s'approche, ils se détournent bien vite ". Malheur au prince qui se serait reposé uniquement sur toutes ces amitiés payées par des largesses, il "serait bientôt perdu" ! Et puis les hommes appréhendent beaucoup moins d'offenser celui qui se fait aimer que celui qui se fait craindre; le lien d' amour, ils le rompent au gré de leur intérêt, alors que leur crainte demeure soutenue par une peur du châtiment qui ne les quitte jamais. Enfin il ne dépend point du prince d'être aimé, les hommes "aiment à leur gré"; mais il dépend de lui d' être craint, les hommes  "craignent au gré du prince". Or un prince sage doit se fonder, non sur ce qui dépend d' autrui, mais sur ce qui dépend de lui-même.

Etre craint, d'ailleurs, ne signifie nullement être haî; la haine des sujets - comme  leur mépris - est chose grave ; il ne faut pas l' encourir. car toutes Ies forteresses que le prince haî pourra avoir contre ses sujets ne le sauveront pas de leurs conjurations (comme tout Florentin, Machiavel est hanté par les conjurations). Il est une recette simple, pour éviter cette haine, c'est de "s'abstenir d'attenter soit aux biens de ses sujets, soit à l'honneur de leurs femmes."

Et-quoi de plus louable enfin pour un prince que d'être fidèle à sa parole, et d'agir toujours franchement ! Mais, dans la réalité que voit-on ? Des princes qui ont fait de grandes choses en violant leur foi, en imposant aux hommes par la ruse, et qui ont fini par dominer ceux qui se fondaient sur la loyauté. C'est sur cette observation désabusée que Machiavel construit ce chapitre XVlll tComment les princes doivent tenir leur parole), qui lui sera tout particulièrement reproché, qui apparaîtra plus que l' essence, la "quintessence" même du machiavélisme, et qui sera lu plus attentivement que tous les autres par les politiques avides de succès diplomatiques.

Machiavel a éprouvé ici le besoin, rare chez lui, d'habiller sa pensée crue et nue,  de la draper à l'antique, dans un mythe séduisant à l'imagination. Il a choisi le mythe d' Achille et du centaure Chiron. Achille, raconte-t-on, eut pour précepteur Chiron, demi-cheval et demi-homme. Les Anciens voulaient signifier par-là qu'il est nécessaire à un prince d' agir en bête tout autant qu' en homme. Le propre de l'homme est de combattre par les lois, régulièrement, avec loyauté et fidélité. Le propre de la bête est de combattre par la force et par la ruse. La manière purement humaine ne suffit pas ; l'homme est souvent oblig‚ d'user de la manière de la bête. Le prince accompli, armé pour la lutte, dont Achille est le type, doit posséder en quelque sorte ces deux natures, homme et bête, dont l'une est soutenue par l' autre. Et entre les bêtes le prince doit en choisir deux comme modèles, le renard et le lion. Il doit "tâcher d' être tout à la fois renard et lion, car, s'il n' est que lion, il n' apercevra point les pièges ;
s'il n' est que renard, il ne se défendra point contre les loups ; or il a également besoin  d' être renard pour connaître les pièges, et lion pour épouvanter les loups"

C'est ainsi qu'en matière de promesses, d'engagements, le prince doit être renard,  c' est-à-dire ne pas observer la foi lorsque l' observer tournerait contre lui, et qu' ont disparu les raisons qui lui avaient fait promettre. "Si les hommes étaient tous bons, ce précepte ne serait pas bon, mais comme ils sont mauvais, et comme ils n'observeraient pas leur parole envers toi, toi non plus tu n' as pas à l' observer envers eux." Peut-on d' ailleurs, quand on est prince, "manquer de raisons légitimes pour colorer l'inexécution" de ce qu'on a promis ? Infini est ici le nombre d'exemples modernes à citer, le nombre de traités de paix, d'accords de toute espèce, "devenus vains et inutiles par l'infidélité des princes qui les avaient conclus". Les princes qui ont su le mieux agir en renards sont ceux qui ont le plus prospéré. A une condition cependant, c'est qu'ils aient bien déguisé cette nature de renards, qu'ils aient possédé parfaitement l' art de simuler et dissimuler. Dissimuler, prospérer... Machiavel, avec la double allégresse du cynique à dénuder la nature humaine, et de l'artiste à se sentir maître absolu de sa matière, met alors les touches suprêmes et les plus savantes à son portrait du prince. Il peint la vertu du paraître, du faire-croire, de l'hypocrisie, la toute-puissance du résultat. Sa pensée intime, qu'il avait commencé de nous dévoiler au chapitre xv, finit de nous livrer, dans la seconde moitié du chapitre XVIII, ses durs secrets. Il faut citer ici le texte intégral, tout commentaire l' affadirait.

Vertu du paraître, du faire-croire, de l'hypocrisie :

Pour en revenir aux bonnes qualités énoncées ci-dessus, il n'est pas bien nécessaire qu'un prince les possède toutes, mais il l'est qu'il paraisse les avoir. J'ose même dire que, s'il les avait effectivement, et s'il les montrait toujours dans sa conduite, elles pourraient lui nuire, au lieu qu'il lui est toujours utile d' en avoir l' apparence. Il lui est toujours bon, par exemple, de paraître clément, fidèle, humain, religieux, sincère... On doit bien comprendre qu'il n' est pas possible à un prince et surtout à un prince nouveau d' observer dans sa conduite tout ce qui fait que les hommes sont réputés gens de bien, et qu'il est souvent obligé, pour maintenir l'Etat, d'agir contre l'humanité, contre la charité, contre la religion meme. Il faut donc qu'il ait l'esprit assez flexible pour se tourner à toutes choses, selon que le vent et les accidents de la fortune le commandent ; il faut,  comme je l'ai dit, que, tant qu'il le peut., il ne s'écarte pas de la voie du bien, mais qu' au besoin il sache entrer dans celle du mal. Il doit aussl prendre grand soin de ne pas laisser échapper une seule parole qui ne  respire les cinq qualités que je viens de nommer ; en sorte qu'à le voir et à l'entendre on le croie tout plein de douceur, de sincérité, d'humanité, d'honneur, et principalement de religion, qui est encore ce dont il importe le plus d'avoir l'apparence ; car les hommes en général jugent plus par leurs yeux que par leurs mains, tous étant à portée de voir et peu de toucher. Tout le monde voit ce que vous paraissez, peu connaissent à fond ce que vous êtes, et ce pelil nombre n'osera point s'élever conlre l'opinion de la majorité, soutenue encore par la majesté du pouvoir souverain.

 Toute-puissance du résultat :

Au surplus, dans les actions des hommes et surtout des princes, qui ne  peuvent être scrutées devant un tribunal, ce que l' on considère c' est le résultat. Que le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son Etat ; s'il y réussit, tous les moyens qu'il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde ; le vulgaire est toujours séduit par l'apparence et par l' évènement : et le vulgaire ne fait-il pas le monde ?

L'actualité apporte régulièrement des compléments sur ces questions

Libération 10 octobre 2001

"Un bon expert en communication doit avoir l'esprit d'à-propos. Moins d'une heure après que les deux avions se sont écrasés sur le World Trade Center, le 11 septembre, Jo Moore, une conseillère du ministre britannique des Transports, a envoyé un e-mail à ses supérieurs: «Sujet: relation avec les médias. C'est un très bon jour pour ressortir tout ce qu'on veut faire passer en douce.» Le message, publié hier par deux quotidiens de Londres, embarrasse le gouvernement, souvent accusé de manipuler l'opinion avec son armée de spin doctors, littéralement «raconteurs d'histoires». La coupable a dû présenter hier ses excuses."

Le Monde 29 Septembre 2001

A propos de la "feuille de route" retrouvée dans les bagages des kamikazes du World Trade Center, le Docteur Jean-Marie Abgrall, psychiatre et criminologue, expert auprès de la Cour de cassation met en evidence les techniques de manipulation dans les règles énoncées:

"Assure-toi de bien connaître tous les détails du plan, et attends-toi à la riposte, à une réaction de l'ennemi. "Lis Al-Tawba et Anfal, les chapitres guerriers traditionnels du Coran, réfléchis à leur signification et pense à tout ce que Dieu a promis aux martyrs. (...) "Prie pendant la nuit et persévère à demander à Dieu de te donner la victoire, le contrôle et la conquête, et de te rendre la tâche plus facile et de ne pas nous démasquer. "Pense à Dieu souvent, et la meilleure manière de le faire est, selon tous les érudits pour autant que je sache, de lire de Saint Coran. Il nous suffit qu'il (le Coran) soit la parole du Créateur de la Terre et des végétaux, Celui que tu connaîtras le jour du Jugement. "Purifie ton âme de tout ce qui est souillure. Oublie complètement ce qu'on appelle "ce monde-ci", la vie ici-bas. L'heure du jeu n'est plus, l'heure grave est sur nous. Combien de temps avons-nous perdu dans notre vie ? Ne faut-il pas profiter de ces dernières heures pour accomplir de bonnes actions et obéir ?"

Jean Marie Abgrall commente: "Nous sommes en présence d'un processus de conditionnement opérant, destiné à déclencher un mécanisme presque pavlovien. Je pense qu'il y a eu vraisemblablement des répétitions préalables, un jeu symbolique. C'est comme ça que j'interprète la formule "l'heure du jeu n'est plus". Le conditionnement s'est effectué à deux niveaux : un protocole guerrier ("affûter le couteau") et un protocole mystique (réciter les sourates du Coran). Le texte décrit toute une série de rituels secondaires qui mécanisent l'action et sont destinés à perdre le terroriste dans les détails, pour lui éviter de commettre une erreur tactique et empêcher l'anxiété."

Pour aller plus loin dans la réflexion...

"OPINION. Information, rumeur, propagande"

C'était le thème des débats des 10e Rendez-vous de l’histoire qui se sont déroulées à BLOIS du 19 au 21 octobre 2007. D’hier à aujourd’hui, quel est le rôle de l’information, des médias, mais aussi des rumeurs dans la constitution et les transformations de l’opinion ? Quel est celui des formes de contrôle et d’influence sur l’opinion, propagande et censure, manipulation et désinformation ? Quels imaginaires collectifs révèlent-ils selon les époques et les sociétés ? Historiens, sociologues, politistes, journalistes, sondeurs, communicants sont venus débattre de ces sujets qui sont au coeur de nos métiers.

Parmi les intervenants:Rony Brauman, Cabu, Jacques Chancel, , Michèle Cotta, Edith Cresson, Michel del Castillo, Marc Ferro, Jean-Daniel Flaysakier, Irène Frain, Henri Guaino, Robert Guédiguian, Elisabeth Guigou, Emmanuel Hoog, Jean-Noël Jeanneney, Jacques Julliard, Jean-François Kahn, Emmanuel Le Roy Ladurie, Philippe Meirieu,Frédéric Mitterrand, Edgar Morin, Catherine Nay, Pascal Perrineau, Jean-Luc Parodi, Pierre Péan, Gilles Perrault, Jacques Séguéla,Jean-François Sirinelli, Christiane Taubira, Emmanuel Todd, Philippe Val, Hubert Védrine, Simone Veil, Michel Winock, Dominique Wolton et bien d'autres...

Les conférences et les débats ont été filmés et sont accessibles en ligne.

Voir

Et pour sourire...

Un Rêve tchèque

Ce documentaire montre comment réussir une manipulation parfaite: parvenir à attirer près de 4000 personnes pour l'inauguration d'un supermarché qui n'existe pas. "Des publicitaires, une sociologue du comportement des consommateurs, des experts en marketing ont accepté de bosser sur ce projet.

C'est le projet de deux étudiants en cinéma qui montent ce canular. En effet ans la république tchèque post-communiste, les habitants n'ont qu'une envie : consommer. La campagne de publicité fait venir plusieurs miliers de personnes devant une simple bâche représentant un supermarché et leur renvoyant la question sur leurs besoins de consommation.

Le film fut récupéré lors du débat sur l'entrée de la République tchèque dans l'Europe. Un parallèle a été fait avec la campagne de communication du gouvernement de 2004 pour le réferendum sur l'adhésion à l'Union Européenne, qui était alors en cours.

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